Le mécénat n'est pas le partenariat... même si les techniques de mises en relation sont identiques, la finalité diffère. Là aussi, il faut une véritable expertise pour ne pas se perdre dans les projets et détecter les opportunités.
Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'interviewer Marie-Caroline Blayn, qui au sein de son agence Mécélink accompagne les entreprises qui souhaitent se lancer dans un projet de mécénat et de l’autre, conseille et forme les services partenariat et communication des associations dans l’optimisation de leur collecte de fonds.
Comment êtes-vous devenue une experte en mécénat ? Quel parcours, de l'annonceur au consulting ?
Je connaissais déjà l’univers associatif à travers le regard et l’expérience du bénévolat. Un jour, j’ai souhaité apporter du sens dans mon travail et rendre plus « responsable » le marketing que je pratiquais au quotidien depuis plus de 10 ans.
Par exemple, je m’étais rendue compte que le Laboratoire dans lequel je travaillais donnait à une société de destruction des produits invendables (packaging déchiré…) ou à date de péremption trop courte pour les vendre.
Pourquoi payer la destruction de produits alors qu’ils pouvaient encore servir ? Quand j’ai proposé à la Direction Générale une solution plus économique et surtout caritative, elle a tout de suite accepté. Le SamuSocial de Paris a donc bénéficié de crèmes mains, de shampooings, de gels douches et de sticks lèvres en faveur de personnes sans-abri ! Ce fut le début d’une aventure sociale qui a certainement été le déclencheur de mon orientation vers le mécénat.
En développant un produit partage pour une de mes marques, je me suis également aperçue que la conduite de projet de mécénat ne s’improvise pas tant pour l’entreprise que pour l’association partenaire ! La méconnaissance du sujet et le manque de temps sont des obstacles à la bonne réalisation du projet. Je suis donc partie du constat qu’une passerelle, un expert du mécénat conseillant les deux parties auraient été très utiles dans cette situation !
En quittant, le monde de l’entreprise dans lequel j’avais un surnom « Miss Mécénat », j’ai commencé à conduire des projets pour deux associations Enfants d’Asie et Hamap division Santé ; ce qui m’a permis d’approfondir ma culture de cet univers très particulier et confirmé qu’aider le monde non marchand était mon souhait sincère, mon projet futur.
J’ai donc fondé l’agence de conseils Mécélink où j’apporte ma double expertise entreprise/ONG dans la conduite de missions auprès des deux univers.
Quel est le projet de mécénat qui vous a inspirée (passionnée) ?
Sincèrement tous. Un mécénat financier pour la création d’un support de sensibilisation pour une ONG de la santé afin d’apporter la médecine gratuite auprès des démunis, un produit partage pour apporter des rêves aux enfants malades etc…
Un autre projet qui m’a enthousiasmé est une enquête dans laquelle j’ai recueilli des témoignages de collaborateurs du secteur santé-beauté dont l’entreprise était engagée dans un partenariat avec une association. Un projet réellement passionnant car riche en échanges humains et en ressources d’informations. Le contexte était le suivant : interroger les opérationnels qui ont participé au développement de partenariat avec une association et qui souhaitaient en parler.
Pour l’anecdote, ces personnes vous expliquent au début de la conversation téléphonique qu’elles n’ont pas beaucoup de temps à vous accorder car elles sont débordées ou attendues pour une réunion mais elles se laissent au fil de la conversation envahir par l’émotion et la fierté de partager cette expérience au point d’oublier leurs impératifs !
Intéressant aussi de découvrir les mêmes freins et difficultés que j’ai moi-même rencontrés en tant que salariée sur ce type de projet. D’ailleurs, plus de la moitié m’ont précisé qu’elles auraient bien aimé être formées ou accompagnées, avoir l’avis d’un regard extérieur et être conseillées sur ce qu’il faut faire et ne pas faire.
Vous conseillez des ONG sur leur pratique du mécénat, quelle connaissance particulière vous parait indispensable ?
Le sens de la réflexion qui permet de construire une stratégie à moyen ou long terme de collecte et d’utilisation des ressources. Avoir des objectifs précis. Certaines associations se lancent dans la collecte sans se poser les bonnes questions et se heurtent à des retours mitigés, insatisfaisants. Les temps ont changé et la « concurrence » est rude car les associations sont de plus en plus nombreuses à solliciter les particuliers, les entreprises, les fondations en utilisant en plus des méthodes marketing… Il faut faire preuve aussi de créativité et d’imagination !
La bonne connaissance de son association, de ses valeurs et de son fonctionnement. Etre connecté avec les équipes du terrain pour comprendre les besoins réels est essentiel.
Les techniques de marketing sont très utiles pour le service partenariat qui a pour mission de collecter des fonds auprès des différentes sources telles que l’entreprise, la fondation, les collectivités : savoir construire l’offre à partir des besoins du terrain et en parler de façon simple et compréhensible, cibler les bons partenaires de façon logique et cohérente, avancer ensemble, communiquer régulièrement et surtout établir un lien pour fidéliser. Construire une vraie relation autour d’un projet commun qui a du sens pour une collaboration pérenne. Recruter un nouveau partenaire c’est une chose, le garder en est une autre !
Il ne faut pas oublier que choisir d’utiliser des techniques et méthodologies du monde de l’entreprise dans sa collecte de fonds ne remet pas en question les valeurs de l’association et sa mission désintéressée.
Pour quelles raisons les entreprises choisissent de se lancer dans le mécénat ?
Il existe plusieurs motivations pour s’engager dans le mécénat qui ressortent à travers mes échanges avec les entreprises et aussi dans différentes études sur le sujet.
Voici quelques résultats récents du baromètre* de l’Admical effectué tous les deux ans que je trouve intéressants :
- des entreprises veulent contribuer à l’intérêt général et avoir ainsi un rôle social (57%)
- certaines souhaitent plutôt améliorer et valoriser leur image auprès de leurs clients, fournisseurs, consommateurs, journalistes (31%)
-elles désirent aussi construire des relations avec les acteurs du territoire, les parties prenantes (26%).
D’ailleurs, la tendance est au mécénat de proximité puisque 83 % des entreprises agissent au niveau local et ce dernier est en évolution positive par rapport à 2010.
Notons aussi que la dimension interne est une motivation pour les entreprises notamment celles de plus de 200 salariés afin de fédérer, motiver les collaborateurs autour d‘un projet, de les fidéliser, de les rendre fiers d’appartenir à une entreprise responsable, engagée. C’est parfois une action intégrée dans une politique de RSE (Responsabilité sociale de l’entreprise). Pour les plus petites PME, cette motivation est moins tournée vers les collaborateurs.
Merci Marie-Caroline et à bientôt !
*Enquête l’Admical-CSA 2012 auprès de 734 entreprises françaises- chef d’entreprise pour les PME / Responsables de service pour les grandes entreprises
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